Le Maroc, qui a recouvré son indépendance en mars 1956, a omis d’une façon irrationnelle l’organisation des archives qui constitue pourtant, incontestablement, un pilier essentiel d’un Etat moderne et indépendant. Les gouvernements successifs se sont contentés de se référer pendant plusieurs décennies à une loi obsolète de 1926, promulguée sous le régime colonial français.

Il a fallu attendre les recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation  pour  qu’une réglementation des archives soit promulguée le 30 novembre  2007.

L’opérationnalisation des « Archives du Maroc » constitue un élément essentiel de la dynamique actuelle que connait le Maroc, particulièrement la réforme constitutionnelle. Cette institution, érigée en établissement public stratégique, devrait faire l’objet d’une attention particulière au regard de son importance et du rôle qu’elle va jouer pour la préservation, le traitement et l’utilisation des archives du pays.

La mise en place d’un Etat de droit au Maroc est subordonnée à une politique moderne de préservation et de valorisation des documents d’archives qui constituent les pièces et les traces justificatives de l’action politique, administrative, économique et sociale des pouvoirs qui les ont constitués. Les archives, en plus de leur rôle de supports d’aide à la décision et à l’administration des citoyens, sont également un instrument de participation et de contrôle par le citoyen de l’action des pouvoirs publics.

La mission dévolue à une institution nationale des archives n’est donc pas à circonscrire dans le  seul souci de patrimoine, d’histoire et d’identité nationale. Certes, ces aspects sont importants ; mais les archives n’ont pas seulement un intérêt historique ou patrimonial, elles revêtent aussi un intérêt pour le présent et le futur, avec des retombées sur le développement économique du pays. En outre, elles consolident la pratique de la transparence dans le cadre d’un régime démocratique. Elles sont même garantes de la continuité de l’Etat. Il n’y a pas d’Etat moderne sans une organisation moderne des archives.

L’organisation des archives exprime ainsi une fidélité au passé et un souci du présent et de l’avenir. Jacques Derrida a, en quelques mots, parfaitement résumé cette idée :

la question de l’archive n’est pas une question du passé. […] C’est une question d’avenir, la question de l’avenir même, la question d’une réponse, d’une promesse, d’une responsabilité pour demain.